Autant vous le dire tout de suite, si c’est une énième critique de ce film que vous cherchez, passez votre chemin (non, profitez en plutôt pour découvrir d’autres articles sur ce blog!). Ce qui suis tient plutôt de la reflexion, le partage de quelque chose qui nous a marqué au point de devoir le partager, nous sommes donc deux à se prêter à l’exercice.
Lauranne.
Attention – SPOILER ALERT
Ces 122 minutes m’ont paru être le temps d’un café. Corsé et noir, bien comme il faut. Comme l’humour, comme un sourire forcé.
Le pire dans tout ça, c’est que je ne suis même pas choquée. Il parait que ce film est choquant. Ou ne l’ais je pas compris ?
C’est l’histoire d’un mec qui n’a rien, ou plutôt si. Un rire, un tas d’éclats. Et ce mec, il essaye de s’en sortir. Imaginez plutôt : plus de boulot, peu d’argent, malade et habite avec maman.

Sa ville ? Elle a l’air vraiment pourrie… Poussons un peu plus loin, le monde autour de lui n’est pas très beau.
Il est aussi un peu naïf, une belle naïveté, teintée de quelques bonheurs qu’il se créée. Il n’est pas très stable non plus. Mais qui peut dire qu’il l’est ?
Personnellement, je ne m’y risquerai pas.

Puis, cela dégénère. Evidemment. Il apprend qu’il est le fils de machin, puis en fait non, mais qu’il n’est pas non plus le fils de l’autre. Finalement, il n’est personne. Il est une blague.
Et on le lui fait bien comprendre. C’est moche, et très peu courtois.
Il est ridiculisé sans raison, il est brutalisé gratuitement, il est malmené parce qu’il sort du cadre. Il sort du cadre. Donc, il est fou. Ah tiens… Il a enfin droit à une place ? Et quelle place ?
Il l’a prend ! Parce que c’est la seule chose qu’on lui tend.
Et il la prend tellement bien cette place qu’il la danse. Il sourit même, sincèrement.
Il devient ce que les autres veulent de lui. D’un côté le fou, de l’autre le reflet.
Il a réussi.
Il est devenu libre car fidèle à lui-même dans le cadre que l’autre a construit autour de lui.
Et pourtant, à la fin, il est enfermé.
(sourire)
Regardez dehors, puis regardez dans le miroir.
Répétez l’exercice encore et encore.
Et quand votre propre reflet commence à vous gêner, demandez-vous …
Suis-je vraiment libre ?
………………………………………………………
Sam.
Comme le dit l’intro, ce qui suit est le résultat d’une sensation qui se loge dans vos tripes et qui ne demande qu’à être partagée suite à la vision de ce film – la scène du « nain », en particulier, sur laquelle je reviendrai plus tard dans l’article.
Le réalisateur, Todd Phillips, a voulu faire « un film de genre, dans un univers de Comics (ndt : BD), en plongeant profondément dans le concept d’un personnage comme le Joker », tout en s’inspirant du genre de films qui se faisaient dans les années 70-80, centré sur le vécu d’un personnage, son ascension dans un milieu, les conséquences de ses traumatismes; souvent dans une mégapole.
Ne vous attendez donc pas à voir voler des batarangs, une batmobile vrombissante après l’apparition du batsignal dans la nuit noire de Gotham… et encore moins une suite, mais plutôt des références assumées aux films de Scorsese, maître du genre : Taxi Driver et La valse des pantins pour les références les plus évidentes.


L’histoire se déroule bien à Gotham, la famille Wayne et l’asile d’Arkham y sont évoqués, mais ne sont que des prétextes à l’existence du Joker. Voilà les seules allusions qui vous rappelleront qu’il s’agit d’une production DC/Warner, et le titre…d’accord.
Pour le reste, le film raconte l’histoire d’un homme souffrant d’un désordre neurologique (« le rire prodromique ») vivant dans un hlm avec sa vieille mère, souffrante elle aussi. Service sociaux débordés, emplois précaires, humiliation sur fond de révolte populaire violente, insécurité, violence policière et fracture nette entre les classes… le décor est posé et il n’y a plus qu’à se poser pour contempler la lente chute de Arthur Fleck.

J’ai toujours été intrigué par les histoires racontant la chute d’un personnage dans la folie : le déclenchement, les étapes, le résultat. Tous ces points décris plus ou moins bien suivant l’auteur ou l’histoire (l’œuvre de H. P. Lovecraft, M. Chatham, La Trêve et même Star Wars : Clone Wars)
Peut-on vraiment parler de Chute ?
Peut-être pas, l’histoire commence avec Arthur, le dos voûté par le fardeau de sa vie misérable, essayant de trouver sa place dans une ville qui le rejette constamment, le regard fuyant et rongé par sa frustration et sa sourde colère.
Mais ce n’est plus de la colère, la colère passe. Pas la rage.
Cette rage qu’il tente d’abord d’étouffer jusqu’à la folie, pour ensuite la libérer et sortir de sa chrysalide, pour entamer son ascension et devenir le personnage que l’on connaît : Le Joker.

Le Rire
Un thème récurrent dans le film, traité – de manière assez originale – sous plusieurs formes.
Arthur Fleck joue un clown dont le but est d’amuser les gens mais il souffre aussi de crise de rires spasmodiques, il rit aux éclats, parfois jusqu’à l’étouffement, sans que ce soit volontaire. Au travers de son regard et d’autres micro-expressions, Joachin Phoenix réussit à montrer la souffrance que cela peut provoquer, le tout en plein fou rire, du grand art.
Un rire qui provoque un malaise indescriptible; un rire qui deviendra la signature du Joker.
La scène du « nain »…
Une scène sur laquelle je devais absolument revenir parce qu’elle m’a mis très mal à l’aise, particulièrement au cinéma. J’avais l’impression d’être le seul à ne pas rire de la scène (ce n’est probablement pas vrai, d’autres sont sans doute restés prostrés dans leur siège), éprouvant un malaise qui vous prend aux tripes et vous donne l’envie de gueuler sur votre pote voisin de rangée : « Mais putain arrête de rire, c’est dégueulasse ! ».
Cette scène paraît tellement déplacée que je fini par me demander si ce n’est pas son but: Provoquer un malaise chez le spectateur en le mettant face aux rires de la salle qu’il trouvera complètement déplacés à l’aide d’une saynète, d’une farce, d’un comique de répétition qui a priori n’aurait pas sa place dans le film…si ce n’est pour mettre le spectateur face à son propre questionnement sur le Rire.
Et vous, qu’avez-vous pensé de ce passage ?
source:
https://www.cbr.com/joker-director-talks-films-70s-influence/