S’approprier un personnage culte de la bande dessinée est un pari risqué, certes Zidrou et Franck Pé ne sont pas les premiers à l’avoir tenté puisque le duo Vehlmann et Yoann l’avait déjà fait avec Spirou [Ndlr: On me signale dans l’oreillette que Zidrou et Franck Pé ont également fait un album de Spirou, paru en 2016] , entre autres.
Sous le crayon de Franck Pé et la plume de Zidrou, l’emblématique marsupilami d’André Franquin est représenté de manière réaliste, comme le ferait un cryptozoologue : l’adorable ovipare de notre enfance renaît sous les traits de la Bête.
La couverture de la BD nous laisse deviner une animal farouche, croisement habile entre un grand singe, un ours et un léopard. Oubliez ses yeux adorables et cartoonesques, son grand sourire et son déplacement cocasse à grands bonds sur sa légendaire queue préhensile!

Novembre 1955, le Marsupilami est arraché à sa Palombie natale par des chasseurs peu scrupuleux et ramené ensuite au port d’Anvers dans des conditions atroces pour être vendu sur le marché illégal des espèces rares. Sous le ciel noir d’une tempête, dans la cale puante d’un paquebot amarré à quai, un cri résonne à l’unisson des éclairs : « Houba! »… et à la manière du raptor dans la scène d’intro de Jurassic Park, le Marsupilami s’échappe.

(Source: https://www.bdgest.com/preview-3025-BD-marsupilami-de-frank-pe-et-zidrou-le-la-bete.html#)
Le décor est planté, et avec lui, la promesse d’une histoire sombre.
Les aventures de la Bête se poursuivent dans les quartiers pauvres de Bruxelles lorsqu’elle est recueillie par un enfant en proie à des harceleurs et élevé par une mère célibataire.
Je n’en dirai pas plus sur le scénario. Cependant, si le Marsupilami est dépeint comme une bête féroce, farouche et vindicative, sa légendaire empathie envers les autres animaux, son intelligence et son appétit de goinfre rendent tout de même l’animal attachant. Rassurez-vous, donc, le duo Zidrou et Frank Pé jongle avec brio entre la part bestiale et sombre du personnage et son côté candide et attachant.
« L’odeur et les cris. Le pire, c’était les cris. »(la Bête, page 8. Ed Dupuis)
Franck Pé parvient à nous faire découvrir la Bête petit à petit, de manière intrigante, pour ne pas dire inquiétante. Tantôt une silhouette fugace, fuyant dans le brouillard éclairé par les phares d’un camion, puis une forme simiesque rampant dans la boue à la recherche de nourriture avec en gros plan ses yeux apeurés, injectés de sang. Franck Pé n’a rien à envier aux plus grands cinéastes ayant mis des monstres en scène.
Les autres personnages ne sont pas non plus en reste : un maître d’école, une voisine trop curieuse, des convoyeurs…Tous ces personnages se démarquent par leurs langages, leurs manières et leur physique. L’ambiance de Bruxelles dans les années ’50 paraît documentée et bien rendue, mettant en lumière les problèmes d’après-guerre, le tout teinté d’une certaine noirceur.
On trouve aussi dans le récit quelques « Easter Egg » (le nid du marsupilami, Spirou, la silhouette de Jolly Jumper), à mes yeux, son seul point négatif réside dans le fait que j’y ai relevé un peu trop d’allusions destinées à un public adulte qui n’apportent pas grands choses à l’histoire, ni à l’ambiance.
En conclusion, je dirais que cette bande dessinée est une franche réussite, tant du point de vue du dessin que du scénario – assez habile pour aborder des problèmes aussi variés que le harcèlement et la traite des animaux exotiques sans tomber dans le récit moralisateur.
La lecture de cet album ne vous a pas laissé indifférent? Vous avez noté un « Easter Egg »? Faites en nous part en commentaire!