Le Brussels International Fantastic Film Festival (je ne vais quand même pas vous faire l’affront de traduire), le Bifff pour les intimes, ouvre ses portes pour la 37e fois.

Welcome !
Ce festival fait partie du paysage bruxellois depuis 1983, d’abord au Passage 44, ensuite à Tours et Taxi pour arriver au Palais des Beaux-Arts où, cette année encore, il mettra en compétition 97 films mêlant [horreur, fantastique, thriller, science-fiction et oscillant entre angoisse, humour noir, terreur ou parodie (pas toujours assumée, mais on y reviendra plus tard).
Le Bifff propose beaucoup de choses intéressantes sur les thèmes annoncés, en plus des films en compétition : des expos, le Bal des vampires, une expérience VR, des animations, une parade et même une activité sportive zombiesque.
Je ne vais pas rentrer dans les détails, toutes les infos sont disponibles sur leur site et la presse belge regorge d’articles sur les curiosités proposées par ce festival bruxellois.
Bouclez vos ceintures, « it’s a hell of a ride ».
1996, chapitre 14 du festival
Je dandine dans le fond du strapontin pour ajuster mon arrière-train avant que la séance ne commence, la petite salle du Passage 44 se remplit petit à petit sous la lumière chaude de son éclairage.
Ça sent comme au théâtre – Dior n’a pas encore créé de fragrance strapontin, mais si c’était le cas, elle devrait rappeler le bois et le velours usé.
Assis en milieu de salle, je ne manque pas de remarquer six sièges vides en enfilade dans les premières rangées, garnis de vestes et d’écharpes. Officieusement réservés, donc ! Étrange car je suis un des premiers à entrer dans la salle.
C’est que moi, à 17 ans, j’avais plutôt l’habitude de la Toison d’Or, là où on ne réserve pas ses places dans une salle de cinéma comme on le fait dans son bar préféré.
Sauf que…
Une bande de 5 ou 6 gars arrive en salle, la trentaine à vue d’œil. Ils arborent autour du cou des cartes plastifiées suspendues à un lacet et se dirigent vers les places réservées. Pas de doute, ils sont ici chez eux, en territoire conquis. La bande des cools, ceux qui sont potes avec tout le monde ; les mecs au fond du bus pendant les voyages scolaires, c’est eux.
Je ne le savais pas encore, mais 22 ans plus tard, j’allais avoir l’occasion d’interviewer l’un d’eux : Charly.
Les lumières se tamisent, la salle n’est finalement pas bondée, mais plutôt garnie par des petits groupes éparpillés sur une bonne centaine de place et par des gens venus seuls. Soit parce que ce sont des critiques de cinéma, soit parce qu’il se sont fait lâcher par leur pote au dernier moment.
Moi, je n’étais pas critique de cinéma. Bref !
Un homme arrive sur scène, micro à la main, détendu et tout sourire il salue le public, certains lui répondent en le tutoyant et en l’appelant même par son prénom.
Mais bordel, où suis-je ?
L’audience fait place au silence et en moins de 2 minutes il nous présente le film et son réalisateur, il quitte la scène et la salle se fond dans la pénombre avec pour seul lumière, celle projetée sur la toile.
Le logo du Bifff s’affiche à l’écran et là, tout s’enchaîne très vite :
« WELCOME ! », scande le public en même temps que la voix grave et lugubre lâchée par les enceintes. L’ambiance est soudainement monté d’un cran.
Silence dans la salle, le film devrait commencer dans quelques instants.
Soudainement, depuis leurs 6 places réservées, Charly et ses potes hurlent :
« TATATATATA »
Une partie de l’assistance répond à leur appel :
« TUER ENCORE ? »
Et cette fois, la salle entière hurle à l’unisson, sauf moi et quelques autres novices :
« JAMAIS PLUS ! ».
Ce n’était pas un simple cri lancé au hasard, non. Plutôt un rituel, un chant fédérateur lancé aux fans du festival. Un Appel.
Moteur hyperdrive de l’USS Emotion à plein pot, me voilà projeté dans l’univers du Festival du film fantastique de Bruxelles.
Le film peut commencer.
La séance fût tout simplement épique, je ne me souviens pas du film ni de son nom, car si l’on ne va pas toujours au Bifff pour le film, on y va en tout cas pour son ambiance potache et bon enfant
C’est encore le cas pour moi, et maintenant, 22 ans après, c’est à mon tour de tutoyer le présentateur et de l’appeler par son prénom, bien qu’à l’époque ce ne soit pas encore Stephane Evraer. Stef, quoi !
Ponctué par des injonctions lancées aux acteurs à l’écran, comme on le ferait dans son salon avec des potes, les répliques fusent mais ici, il y a des codes à respecter.
En effet, on ne crie pas n’importe quoi, n’importe quand.
Le fan le sait et tel un sniper il attend tapis dans la pénombre de la salle, l’instant précis où il va lancer sa réplique, tout est affaire de timing et d’éviter le comique de répétition.
L’on commence par garder ses vannes pour soi, ensuite on partage discrètement avec son voisin, quand on est plus à l’aise on en fait profiter la rangée et ensuite quand on le sent vraiment on en communie avec toute la salle, la timidité ayant été vaincue, vous voilà dans la cour des Grands.
Si vous n’y êtes jamais allé, vous l’aurez compris, les séances de projection de films au Bifff sont atypiques, ne vous attendez pas à une salle calme au silence religieux.
Ceci dit, ne voyez pas ça comme un manque de respect vis-à-vis de l’œuvre et son auteur, il n’est pas rare de se retrouver avec l’équipe du tournage dans la salle à chahuter leur propre film pour finir au bar avec eux à la sortie de la salle.
La projection de Turbo Kids en 2015 en est un exemple parfait, pour ne citer que celui-là.
Il arrive aussi de tomber sur un film tellement prenant ou interpellant que la salle en reste muette jusqu’à la diffusion du générique de fin.
Si vous êtes arrivé jusqu’à ces mots, je vais vous délivrer mon ultime conseil pour vivre l’expérience BIFFF à 100 %, en immersion totale, façon Gremlins au cinoche (dixit Thom, l’un de nos rédacteurs). La Nuit du fantastique, une nuit complète devant cinq films dans une ambiance déjantée avec l’oreiller sur les genoux, bien installé dans son strapontin, plus confortable que ceux du Passage 44, la fameuse fragrance en moins.
Rédaction: Sam.
Merci à Charles-Etienne pour son précieux témoignage, le kimchi fait maison et le maitrank qu’il partage avec ses voisins de rangé et à Greg Lacroix pour la relecture.

Pas convaincu que les strapontins de la salle le bœuf soient meilleurs que ceux du passage 44… A peu prés aussi inconfortables l’un que l’autre plutôt 🙂
Salut Steph! Qu’appels tu salle « le bœuf »?
Perso, la pire pour moi, c’est la salle 3 et ses petits espaces pour les jambes. J’évite même les films à cet endroit à cause de ça, mais je suis toujours prêts à faire quelques sacrifices 😉